Logo Dico Logo FMSH Logo CNAM Logo Inalco

Ecriture et Civilisation

De Wiktionnaire-SHS
Aller à :navigation, rechercher


Définition 1.

Auteur(s) Hamid Guessous
Discipline(s) Sciences du langage
Source(s) Emile Benveniste, Les Dernières Leçons, Collège de France 1968 et 1969
Définition C'est l'écrire qui a été l'acte fondateur. On peut dire que cet acte a transformé toute la figure des civilisations, qu'il a été l'instrument de la révolution la plus profonde que L’humanité ait connue depuis le feu.

On constate d'emblée une ligne de partage entre deux mondes de langue et de civilisation : du nord au sud (Mésopotamie, Egypte) et de l'est à l'ouest. A l’est, dans la réalité des désignations linguistiques (et aussi dans d'autres manifestations), nous rencontrons des civilisations de l’écrit caractérisées par la primauté intellectuelle et sociale de la chose écrite. L'écriture a été le principe-organisateur de la société ; c'est la civilisation du scribe. A l'ouest, dans le monde indo-européen, C’est exactement le contraire. Le monde s’y est édifié sans écriture et même dans le mépris de l’écriture.

En Egypte, à Sumer, il y a des monuments, des statues, qui attestent l'importance du scribe. L’écriture est un don divin. Dans les mythologies. Indo-européennes, rien de tel. Cet acte n'est pas compté parmi les grandes acquisitions de l'humanité. Pas de divinité grecque de l'écriture.

En pleine floraison littéraire, au Vè siècle avant J.-C., Eschyle attribue à Prométhée, dans son Prométhée enchaîné, pour terminer l'inventaire de ses inventions, celle de l'écriture, « la combinaison des lettres » (gammatōn sunthesis). Nulle part ailleurs on ne retrouve pareille tradition. En revanche, T important, c’est le feu, les nombres, les astres… Dans le monde sumérien, nous avons un terme majeur : dup, qui signifie la «tablette», l'écrit: dup-sar ; le scribe. En akkadien tuppu, avec tout ce qui concerne l'écriture, le matériel, la position sociale du scribe, les bibliothèques, etc. Tout cela est un héritage sumérien.

En vieux perse et en vieux perse seulement (civilisation achéménide longtemps soumise à la civilisation akkadienne), le terme utilisé est dipi « inscription ». II a proliféré par composition et dérivation (« celui qui écrit », les « archives »…). Il s’est passé plusieurs siècles entre le vieux perse et le persan divan (collection des œuvres d’un poète). La filiation entre dipi et divan est certaine. Goethe a pris ce terme pour dénommer un ensemble de poèmes où il mélangeait tradition orientale et occidentale. Il y a une histoire occidentale de « divan ». En turc, c'est la chambre officielle où étaient débattues les affaires importantes par le gouvernement. Le bureau était confortablement meublé de « divans», d'où le terme occidental.

Rien n'a subsisté du sens premier, alors que, plus à l'est, le sens s’est maintenu dipi est entre dans le vocabulaire sanskrit (l’administration perse s’exerçait sur les provinces du nord-ouest de l'Inde). De là, lipi-, en sanskrit : « inscription », «écriture».

A l'ouest, il n'y a pas de terme commun pour l'acte d’écrire.

Chaque langue a inventé son terme. Le sens d'«écrire » graph est inconnu chez Homère. Nous savons qu'il n'y a aucune écriture syllabique employée au milieu du deuxième millénaire dans une partie de la Grèce. L'écriture créto-mycénienne (linéaire A, linéaire B) a donc disparu de la conscience même des contemporains. Une nouvelle tradition se forme qui rapporte l'invention de l’écriture aux Phéniciens. (D.L. p. 121-122)

Traduction(s) Arabe كتابة وحضارة